La place des personnes en situation de handicap dans la société actuelle : jusqu’où peut/doit-on aller dans la désinstitutionnalisation ?

Daniel Le Cam et Joëlle Noller siègent au CNCPH et au FIPHFP pour la FSU. Ils présentent ici « l’Acte 2 de l’école inclusive », dont la mise en œuvre doit s’effectuer entre les rentrées 2024 et 2026. À l’heure où les difficultés liées à l’inclusion sans moyens pèsent très lourd sur les écoles et établissements, il est particulièrement important d’instruire les débats nécessaires avec la profession. La « désinstitutionnalisation » est au cœur l’Acte 2 : il s’agit du projet d’inclusion totale avec la fermeture à court/moyen terme de toutes les institutions qui accueillent actuellement des personnes en situation de handicap (PSH). Pour nos deux militant·es, la FSU « doit penser l’inclusion des PSH de la petite enfance à la perte d’autonomie à l’âge adulte. Il faut pour cela avancer pour mener à bien la transition/transformation du modèle « institutionnel » actuel vers un modèle inclusif et participatif pour les PSH (adultes et élèves). Nous ne devons pas partir du postulat que les institutions accueillant les PSH sont par nature liberticides ou néfastes pour leur bien-être même si on constate que cette tendance peut exister lorsque les PSH sont tenues à l’écart de la vie en société, contraintes de vivre en collectivité ou qu’elles ne disposent pas d’un contrôle suffisant sur leur vie. » Le débat et les mobilisations à construire pour une inclusion réussie, à l’opposé d’une mise en souffrance des élèves et des personnels, devront associer également nos collègues des ESMS (établissements et services médico-sociaux), ainsi que les associations de parents d’enfants handicapés. À l’heure où nous mettons sous presse, le Conseil constitutionnel a censuré comme « cavalier budgétaire » l’article 233, qui prévoyait la création de Pôles d’appui à la scolarité (PAS). Mais le ministère affirme : « Notre calendrier demeure le même : lancer la préfiguration de ce dispositif dans trois à quatre départements dès la rentrée 2024 et le généraliser d’ici 2026 ». Toutes les contributions sur ce sujet seront les bienvenues ! U&A

Table des matières

La Conférence nationale du Handicap (CNH) du 26 avril 2023 a été l’occasion d’entendre les propositions du gouvernement et de lire dans la presse les éléments du débat actuel sur la place que les personnes en situation de handicap (PSH) peuvent avoir dans la société, à l’école et dans le monde du travail en particulier mais aussi dans tous les autres aspects de la vie courante. Ce débat est beaucoup plus vif ces dernières années parmi les associations, une faible majorité de celles représentées (en mettant sur un autre plan celles qui représentent les parents de PSH) au Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) sont pour l’inclusion totale avec la fermeture à court/moyen terme de toutes les institutions qui accueillent actuellement des PSH, c’est ce que l’on appelle la « désinstitutionnalisation » ou « désétatisation ». Ces associations de PSH s’appuient sur les positions de l’ONU et de sa Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH), ratifiée officiellement par la France en 2010. Sans mentionner explicitement la désinstitutionnalisation, son article 19 prévoit « l’égalité des droits pour chaque personne avec un handicap de vivre dans la communauté ». Le gouvernement a décidé à cette rentrée 2023 de renommer Jérémie Boroy, à la présidence du CNCPH, celui-ci défend ardemment dans deux articles https://tinyurl.com/y8v56u2r , l’obligation de la désinstitutionnalisation. L’école inclusive, ou l’inclusion scolaire telle qu’elle peut être envisagée par certains groupes, n’est donc qu’un élément de cette volonté de suppression de la plus grande partie des structures d’accueil (institutions) des PSH . Cet aspect est présent dans les prises de positions des associations et des syndicats qui reprennent de manière distanciée, modérée ou totalement, l’idée d’inclusion totale et en particulier celle des élèves en situation de handicap. « L’acte 2 » de l’école inclusive a été annoncé lors de la CNH avec des annonces qui semblent aller dans le sens de la fin à terme des institutions. Cet « acte 2 » reprend le vocabulaire des « désinstitutionnalisants » mais cache surtout la volonté de faire des économies ! Nous essaierons ici de faire le point sur les annonces et les positions et dans un deuxième temps, nous verrons le cas particulier de l’école inclusive et enfin, en rappelant les mandats de la FSU et les évolutions que l’on pourrait envisager lors du prochain congrès.

Les partisans de la désinstitutionnalisation s’appuient sur les positions de la CIDPH et des rapports de son Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU sur la situation des PSH en France.

Dans le rapport de 2021 à l’article Droit à la vie (art. 10) le Comité recommande au gouvernement français d’« élaborer des mesures en consultation avec les organisations de personnes handicapées et des mécanismes de contrôle indépendants, pour engager la désinstitutionnalisation d’urgence des personnes handicapées afin d’assurer une vie sûre et indépendante dans la communauté et de protéger le droit à la vie dans des situations de santé critiques. » Dans l’article 19, « Vivre de façon autonome et être inclus dans la communauté », le Comité propose de « mettre fin à l’institutionnalisation des enfants et des adultes handicapés, y compris dans des foyers résidentiels de petite taille et lancer une stratégie nationale et des plans d’action pour mettre fin à l’institutionnalisation des personnes handicapées, avec des repères limités dans le temps, des ressources humaines, techniques et financières, des responsabilités pour la mise en œuvre et le suivi, et les mesures pour soutenir la transition des institutions à la vie dans la communauté » et d’« assurer la disponibilité d’un soutien pour vivre de manière indépendante et dans la communauté, tel qu’un soutien budgétaire et personnalisé dirigé par l’utilisateur, et permettre aux personnes handicapées d’exercer le choix et le contrôle sur leur vie et de prendre des décisions concernant où et avec qui vivre ». Vous retrouverez ces recommandations détaillées au gouvernement français à cette adresse https://bitly.ws/TWMz. Certaines recommandations dépassent les termes adoptés dans la convention de 2009, comme le fait de demander de ne pas obliger les enfants sourds à utiliser des implants cochléaires et plutôt de les orienter vers la possibilité d’apprendre les langues des signes et de participer à la culture des sourds ce qui divise les associations des sourds et mal entendants et les associations de parents de PSH. De la même manière, le Comité des droits dénoncent les tests génétiques prénatals comme une discrimination. Le CNCPH et son président reprennent l’ensemble de ces recommandations et ont fait voter en réunion plénière une série de mesures qu’ils aimeraient bien voir repris par le gouvernement. Le président Boroy est très actif pour faire avancer les droits des PSH à avoir une vie sexuelle et intime en recourant à des assistants sexuels rémunérés, (c’était à nouveau au programme des universités d’été du CNCPH en septembre 2023), ce que les lois sur le proxénétisme et la prostitution interdisent en France. Ce sujet divise les associations mêmes les plus « désintitutionnalisantes » et les syndicats.

La CNH d’avril 2023 a semblé aller dans le sens du CNCPH en proposant des transformations dans le domaine de l’emploi des PSH, de l’inclusion scolaire et de l’accessibilité universelle.

En effet, le gouvernement a décidé de faire entrer les PSH dans le droit commun du travail, avec l’obligation de déclaration à Pôle emploi/Cap emploi, qui seront informés par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Les orientations vers le milieu protégé, les établissements ou services d’aide par le travail (ESAT) seront prononcées par les MDPH sur une préconisation du service public de l’emploi à l’issue d’un travail réalisé avec la personne sur son projet. Le cumul de l’allocation adultes handicapés (AAH) avec des revenus professionnels sera facilité au-delà d’un mi-temps. Ce qui apparaît comme une grande avancée mais qui reste à mettre en place, c’est le fait que les travailleurs en ESAT auront des droits identiques à ceux des autres salariés, avec notamment la garantie des droits collectifs issus du Code du travail (droit de grève, représentation syndicale, intervention de l’inspection du travail…) et de nouveaux droits individuels (complémentaire santé, remboursement des frais de transport…). Mais ils et elles conserveront la protection spécifique des travailleurs en ESAT, pas de lien de subordination, ni de licenciement.

Pour l’accessibilité universelle qui était un objectif de la loi de 2005 mais qui avait pris un tel retard qu’il avait fallu en 2015 inventer les « agendas d’accessibilité programmée », le gouvernement annonce que la mise en accessibilité des bâtiments de l’État, des opérateurs publics et de la Sécurité sociale sera effective d’ici 2027. Pour les autres établissements recevant du public (ERP), un plan d’investissements sera mis en place pour les collectivités territoriales et un autre pour les petits commerces. Dans les transports, cette accessibilité restera partielle dans la majorité des gares et dans le métro parisien ! Pour le logement, il est annoncé des aides et des labels mais pas de remise en cause de la loi ELAN qui a réduit l’obligation de 100 % accessible à 10 % dans les logements neufs ! Enfin le président de la République a claironné le déploiement de « 50 000 solutions pour accompagner les choix de vie des personnes handicapées », mais c’est en fait un plan pluriannuel fait de réponses très différentes allant de l’accompagnement à domicile et des accompagnements renforcés et la libération de places par des jeunes adultes en situation de handicap dans les établissements pour enfants !

Alors que les résultats de l’étude sur le climat scolaire de l’ASL souligne en particulier les difficultés rencontrées par les personnels sur la mise en œuvre de l’école inclusive liées aux conditions d’accueil des enfants : trop peu d’aide spécialisée, de dispositifs, une formation insuffisante, un sentiment d’impuissance, etc. Les annonces du gouvernement se veulent les plus proches des demandes des associations mais les détails des mesures annoncées montrent la volonté de faire davantage d’économies que de faire progresser l’inclusion réelle, risquant de favoriser un rejet du côté des personnels plutôt de leur apporter un réel soutien. De plus, ces annonces vont bouleverser en profondeur les cultures professionnelles des 2 côtés en leur imposant de travailler en commun.

L’inclusion scolaire ou « l’école pour tous » ne sont pas abordées loyalement par le gouvernement et les rédacteurs des propositions de la CNH.

Alors qu’aucun bilan réel qualitatif n’a été fait, la CNH se félicitent de l’augmentation du nombre des élèves en situation de handicap dans les établissements scolaires sans se soucier des conditions souvent déplorables dans lesquelles sont accueilli·e·s ces élèves ! Qui sont ces 430 00 ESH indiqués par la CNH, on y retrouve mêlés les élèves d’Ulis, ceux reconnus par la MDPH, ceux scolarisés 2 h par semaine et bien d’autres situations diverses (Étiquetage pour un trouble mais sans demande de compensation, orientation vers un dispositif, ESMS…).

Aucune analyse fine n’a été produite à propos de la place de plus en plus importante des diagnostics et des troubles (origine de la demande, qui produit les diagnostics, impact de ceux-ci sur les familles, les personnels… permettent-ils de trouver une place à l’École ?), alors même que l’on développe un service de repérage et d’accompagnement précoce centré avant tout sur les troubles neurodévelopementaux. Le bilan en 2023 montre une école inclusive sans moyens suffisants, l’accueil des élèves en situation de handicap repose essentiellement sur le service public d’enseignement, les autorités mutualisent au maximum les AESH sous-payés, exploités, dispatchés sur plusieurs établissements, suppriment des postes dans les RASED et dans le secteur de la santé scolaire. L’inclusion est avant tout médiatisée/réalisée sous l’angle de l’accompagnement humain qui est très souvent indispensable mais qui parfois correspond aussi à une demande faite par défaut (pas de prévention, de suivi par le RASED, pas de place en Ulis ou ESMS …) et non de manière plus globale pour répondre aux besoins des enfants à tel moment de leur parcours. Les AESH ne sont pas la seule réponse à apporter. Il faut remettre au cœur du système tous les acteurs : psychologues, enseignants spécialisés et les partenaires. Étant donné que le coût d’un accueil en établissement spécialisé est trois fois plus élevé qu’un établissement scolaire, la politique d’inclusion scolaire est parfois une politique du moindre coût qui ne veut pas se donner les moyens de son ambition. Il apparaît clairement que les projets du gouvernement ne soient pas en faveur de l’école inclusive (de qualité, humaine et non comptable). Il y a deux fois plus de demandes que de places en institutions (IME par exemple) et dans certains départements apparaît la transformation de places pérennes en places de répit, c’est aux familles de prendre en charge intégralement leur enfant d’où la recherche de places en Belgique. Quid du devenir des enfants ayant besoin de l’intervention de divers professionnels ? Une scolarisation à venir en milieu ordinaire est-elle à même de répondre sans perte qualitative à l’offre existante actuellement via le plateau technique des ESMS, qu’il s’agisse des enfants en attente de places, ceux dits « sans solution », ceux dont les pathologies ne sont pas soignées… ? Par ailleurs, les CMPP entre autres voient leurs cahiers des charges revus et sont appelés à se transformer au détriment d’une partie de la patientèle sans répondre à la problématique centrale des listes d’attente. La mise en place des nouveaux dispositifs tels que les plateformes PCO-TND 0-6 ans et 7-12 ans si elles répondent à certains besoins (ne concernent qu’une partie des troubles) pourraient avoir un impact négatif quant à l’accès des familles au soin pouvant engendrer des inégalités dans l’accueil des enfants.

La CNH propose sans tenir compte de cette réalité un catalogue de mesures en faveur – et défaveur – des personnes handicapées. Dans ce que l’Élysée appelle dorénavant « l’école pour tous », on y trouve quelques nouveautés mais surtout des dispositifs qui existent déjà ou qui changent de nom !

La responsabilité de premier niveau donnée à l’Éducation nationale d’assurer la réponse aux ESH (élève en situation de handicap) reprend semble-t-il, la recommandation n°9 du rapport des Inspecteurs généraux d’avril 2022, sur la détermination et les moyens mis en œuvre et non plus à la MDPH donc l’attribution ou non d’un AESH futur ARE. Cette nouvelle responsabilité de premier rang permet d’attribuer les moyens d’un fonds pour le soutien en matériels pédagogiques adaptés sans passer par la MDPH. La création de ce fonds est d’autant plus étonnante qu’il existe déjà un budget à l’action de l’inclusion scolaire du programme « Vie de l’élève » du ministère de l’Éducation nationale, 23,3 M€ en 2023, il n’augmente que d’1,3 M€ au PLF de 2024 !

La transformation des PIAL en PAS : ce nouveau Pôle d’appui à la scolarité reprend le vocabulaire de ce qui existe déjà dans plusieurs académies (Lille et Amiens par exemple) ou les PIAL dits renforcés appelés aussi (de manière indifférenciée) à Lille, équipe mobile d’appui à la scolarisation (EMAS) qui interviennent dans les établissements. Mais le MEN en fait une structure encore plus ordonnatrice sur l’accueil, l’évaluation et les solutions en moyens. C’est à ce niveau du PAS que « l’aide humaine » serait attribuée ou non. La MDPH serait un ultime recours pour les parents insatisfaits des réponses du PAS. Ces PAS constitueraient pour la DGESCO, physiquement un lieu avec un coordonnateur (déchargé) « PAS » à temps plein, avec une dotation de 3000 ETP pour avoir un coordonnateur (environ 4000 PIAL aujourd’hui) avec des moyens des établissements et services médico-sociaux (ESMS) dans chaque PAS (selon les moyens locaux : ergothérapeutes, psychomoteur, éducateurs spécialisés peuvent s’adjoindre, RASED). À compter de la rentrée 2024 : expérimentation dans 2-3 départements (ce qui correspond à environ 100 pôles) puis généralisation au plus tard le 1er septembre 2026. On retrouve dans la mesure n°6 une déclinaison de ces EMAS avec une nouvelle appellation, les EMMS, Équipe mobile médico-sociale, envoyée dans une « école » à la demande du PAS. Ce n’est donc pas une mesure nouvelle et pourtant sa mise en place est prévue sur 3 ans ? L’inquiétude est grande de voir ces EMMS remplacer les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) et autres pôles de compétences et de prestations externalisées (PCPE). Les EMMS n’interviendraient pas que pour les ESH mais avec ou sans notifications ni diagnostic, en intervention directe (la circulaire existe déjà, 2021), avant le Guide d’évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation (GEVASCO). Enfin le document de presse de la CNH annonce la suppression à terme des « établissements fermés », donc de tous les IME (dont une centaine « volontaires » seront installés de 2023 à 2027 dans les établissements scolaires mesure n°11) mais pas, semble-t-il, des ITEP. Ils se transformeraient en fournisseurs de services pour les établissements à la demande là encore des PAS.

La proposition de fusion AESH et AED , « nouveau métier d’ARE », (Accompagnant à la Réussite éducative) est un retour en arrière, au statut d’ AED-AVsi, ces ARE seraient intégrés dans les équipes des vies scolaires ou sur plusieurs établissements sous la responsabilité du chef d’établissement dans le second degré donc avec le risque de polyvalence et de perte de compétences et bien loin de la reconnaissance d’un métier spécifique dédié à l’inclusion scolaire comme nos mandats le demandent ! La possibilité du temps plein (pas obligatoire) si elle permettrait de rendre un peu plus attractive cette fonction, ne se ferait en partie que par le suivi des ESH sur le temps périscolaire financé par les collectivités territoriales avec des aides de l’État. La DGESCO précise que pour avoir un·e accompagnant·e identifié·e sur le scolaire et le périscolaire, il faudra une loi, leur calendrier le prévoit pour la rentrée 2025. Les évolutions transitoires à la fin des contrats seront circonscrits au territoire du PAS, la rémunération assurée par l’État avec des remboursements des collectivités territoriales pour le temps périscolaire et des formations.

L’intervention des professionnels de santé libéraux dans les établissements : c’est une très ancienne revendication des associations de parents d’ESH mais cela correspond à la reconnaissance de l’échec de la politique de médecine scolaire depuis plus de 30 ans par les gouvernements successifs et surtout là encore le flou domine. Quel prescripteur, quel financement, quelle disponibilité, quelle périodicité et quel lieu ? Pas de réponse. Cette mesure est en déconnexion avec la crise que connaît le secteur de la santé mentale (une des conséquences est l’augmentation de la consommation de médicaments alors que les soins de 1ʳᵉ intention recommandés sont psychothérapeutiques, éducatifs et sociaux), qu’il soit libéral (liste d’attente pour accéder à un 1er rendez-vous chez l’orthophoniste, le médecin spécialiste…) ou public (PMI, Sessad, CMP, CAMPS ( Centres d’Action Médico-Sociale Précoce)) dont les divers professionnels ont alerté sur la gravité de la situation encore l’an passé. Pour la FSU et une partie des associations de PSH, l’école ne doit pas devenir un lieu de soin.

Les professeurs référents handicap et accessibilité numérique: nommé dans chaque EPLE et dans chaque circonscription « sera à la disposition de tout élève en situation de handicap. Il appuiera également l’équipe pédagogique de l’établissement ». Cette fonction est prévue dans le « Pacte » annoncé en avril 2023 dans le deuxième ensemble de missions complémentaires « l’accompagnement renforcé des élèves à besoins éducatifs particuliers, notamment les élèves en situation de handicap ». Est-ce qu’ils remplaceront les ERSEH (enseignants référents à la scolarisation des élèves en situation de handicap), les associations pensent qu’ils y perdront, car ces ERSEH sont le plus souvent titulaires du Certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques de l’école inclusive (CAPPEI). Le MEN a annoncé vouloir trouver et/ou former des enseignant·es spécialisé·es pour ces fonctions. La DGesco a précisé depuis qu’elle fera une proposition de nouvelle terminologie car les ERSEH existent déjà, plutôt axés sur l’accessibilité pédagogique, avec une prime pour les enseignants dans le second degré. Il y aurait 3 à 5 professeurs référents adossés au PAS selon la démographie, pour renforcer le l’attribution de matériel pédagogique adapté pour assurer la prise en main par les élèves. Formulée ainsi, selon les deux annonces et en reprenant l’idée de la mesure n°5 et l’intégration des ARE à la vie scolaire, on peut imaginer un personnel intermédiaire entre le chef d’établissement et les personnels (pourquoi pas un CPE?). Ce professeur serait formé comme cela est prévu dans la mesure n° 8 avec le « grand plan de formation des équipes pédagogiques ». On sait par expérience hélas ce que deviennent ces grands plans dans les académies à l’instar de celui sur la laïcité ! Sera-t-il obligatoire ? La DGESCO prévoit de valoriser le temps de coordination ERSEH qui ont « beaucoup trop » de dossiers (+/−500) à traiter et leur donner du temps pour retravailler avec le lien sur les familles, leur payer des heures supplémentaires, ainsi que pour les enseignants qui ont besoin de temps de synthèse pour les équipes de suivi de scolarisation (ESS)…

Le temps de concertation serait valorisé car payé par le Pacte (deuxième ensemble de missions complémentaires « l’accompagnement renforcé des élèves à besoins éducatifs particuliers, notamment les élèves en situation de handicap ») sans autres précisions pour le moment.

On peut hélas conclure qu’il n’y a pas de mesures réellement positives dans ces annonces de la CNH mais le redéploiement de manière apparemment nouvelle des moyens existants avec le risque d’une dégradation d’une situation déjà pas bien brillante pour l’inclusion scolaire, par la perte de personnels compétents et la précarisation toujours plus forte pour les autres. Sous couvert de développement de l’inclusion, le gouvernement prévoit de fermer des établissements spécialisés sans donner les moyens aux équipes des établissements scolaires ordinaires pour faire face à l’augmentation des élèves à besoin particulier (EBEP), pour faire des économies, voila une voie de la désinstitutionnalisation inacceptable !

La FSU et ses syndicats de l’éducation en particulier doivent penser l’inclusion des PSH dans son acception globale de la petite enfance à la perte d’autonomie à l’âge adulte. Il faut pour cela définir les termes et avancer pour mener à bien la transition/transformation du modèle « institutionnel » actuel vers un modèle inclusif et participatif pour les PSH (adultes et élèves).

Nous ne devons pas partir du postulat que les institutions accueillant les PSH sont par nature liberticides ou néfastes pour leur bien-être même si on constate que cette tendance peut exister lorsque les PSH sont tenues à l’écart de la vie en société et/ou sont contraintes de vivre en collectivité ou qu’elles ne disposent pas d’un contrôle suffisant sur leur vie et sur les décisions qui les concernent et enfin quand les exigences de l’institution elle-même tendent à passer avant les besoins individualisés des PSH. Ce ne sont donc pas uniquement les institutions, quel que soit le cadre urbain connecté ou forestier isolé, même s’ils peuvent y contribuer, mais aussi les règles de vie qui s’appliquent au groupe ou à l’individu, ainsi que le choix qu’a exprimé la personne de vivre en collectivité, qui définissent ensemble le caractère plus ou moins institutionnalisant des structures de vie collective et/ou des services à destination des personnes en situation de handicap.

La FSU peut proposer que la transition vers l’inclusion ne puisse se faire sans questionner aussi la logique d’exclusion qui caractérise la société toute entière, il ne s’agit pas de transformer le modèle institutionnel actuel mais aussi de s’inscrire dans une logique de prévention de l’institutionnalisation. Pour arriver à cela, il faut penser l’inclusion dès le plus jeune âge afin que les enfants et les jeunes en situation de handicap puissent vivre au sein de la société ordinaire, leur permettant ainsi d’apprendre à mieux définir leurs besoins et leurs choix de vie et il faut que la société promeuve ce vivre ensemble. Le manque d’accessibilité des services généraux aux personnes en situation de handicap constitue un élément important de l’institutionnalisation qui est parfois la seule perspective pour un certain nombre d’entre elles. Les personnes adultes doivent rester libres de choisir leur lieu de vie, qu’il soit collectif ou non, qu’il rassemble ou non d’autres personnes avec un handicap. La vie au sein d’une structure collective peut tout à fait rencontrer les conditions d’une qualité de vie, dans la plus grande autonomie possible et répondre à la volonté des personnes en situation de handicap de partager des vécus et des moments de vie.

Les déclarations du ministre Ndiaye fin 2022 et le rapport des inspecteurs généraux sur la scolarisation des élèves en situation de handicap d’avril 2022 ont relancé les débats sur ce que doit être une école inclusive et les conséquences sur l’organisation de cette inclusion dans les établissements scolaires et pour les conditions de travail des personnels. Dans ce cadre, l’école inclusive, que doit porter la fédération, doit reprendre nos mandats mais aller plus loin dans certains domaines et fixer des limites dans d’autres. Le contexte inclusif actuel peut induire, finalement, de la souffrance : pour l’enfant à inclure, chez les autres élèves et chez les enseignants qui affrontent ces mutations sans formation et sans moyens supplémentaires. Dans le système scolaire actuel, la prescription légitime d’inclure les élèves en situation de handicap, n’est pas suivi d’une politique qui donnerait les ressources matérielles et professionnelles disponibles.
La mainmise de l’éducation nationale sur le nombre d’heures d’accompagnement des élèves en situation de handicap depuis la mise en place des PIAL et des futurs PAS et de la mutualisation est une catastrophe, pour les élèves, les AESH mais également pour les enseignants.

Rien n’est prévu pour la 3ᵉ mission des AESH, accompagnement aux activités sociales et relationnelles qui permet également d’aider l’élève à acquérir de l’autonomie, cela n’a plus sa place dans la gestion comptable actuelle de l’accompagnement. N’est pas reconnu non plus l’adaptabilité dont doivent faire preuve les AESH aussi bien dans l’étendue des handicaps à accompagner, ni de l’âge, du niveau scolaire, de l’orientation et des caractéristiques des adolescents ou jeunes adultes élèves dans le second degré.

Le 4 janvier 2023, un courrier du ministère a été adressé aux recteurs concernant l’accompagnement des élèves en situation de handicap lors des temps périscolaires : les AESH volontaires peuvent être mis à disposition des collectivités territoriales par l’éducation nationale ce qui supprime le double employeur et qui donne bonne conscience au ministère et reprend une des propositions du rapport de 2022.

La FSU doit continuer de refuser la fermeture des instituts spécialisés pour des élèves aux besoins très spécifiques, qui disposent de moyens humains et matériels sans commune mesure avec l’enseignement public mais demande aussi que les enseignants formés et volontaires aient un accès à un réseau de soignants – ergothérapeute, pédopsychiatre, psychologue, psychomotricien, infirmière – au sein de l’école afin de permettre réellement l’inclusion scolaire. Sur le terrain, les personnels sont confrontés à une injonction paradoxale générale : améliorer l’accueil d’élèves à besoins éducatifs particuliers (BEP) dans un milieu scolaire qui est de moins en moins accueillant pour l’ensemble des élèves. Les classes sont plus chargées, les enseignants ont davantage de classes, les personnels sont accaparés par des tâches nouvelles (évaluations nouvelles de toutes sortes, réformes structurelles instables, changements récurrents, « autonomie » accrue des établissements…) qui réduisent leur disponibilité, ou les épuisent s’ils s’efforcent de la maintenir… Dans le même temps, le nombre d’élèves à besoins particuliers ne cesse d’augmenter et la diversité de leurs difficultés aussi. Sans parler d’intégration totale ni de fermeture des institutions et de leurs personnels dans les locaux des établissements scolaires ordinaires, on doit revendiquer les moyens et les matériels permettant l’inclusion en établissement ordinaire de la grande majorité des élèves en situation de handicap. Pour cela, la création de classes spécialisées (classes de type ULIS repensées) couvrant davantage d’écoles maternelles et élémentaires et dans tous les collèges et lycées est nécessaire afin de permettre la scolarisation dans son établissement de secteur, en maintenant des conditions optimales d’enseignement et d’apprentissage (éviter par exemple les sureffectifs : moyenne supérieure à 10 dans le 2nd degré et entre 13 et jusqu’à 18-19 en lycée pro). Les élèves en situation de handicap n’ont pas à devoir se déplacer, parfois pour de longs trajets, vers des structures isolées pour pouvoir suivre une scolarité qui est un droit. Un travail sur l’organisation du temps scolaire ainsi que des locaux (salles de classe adaptées aux différentes situations de handicap, réflexion sur l’agencement des salles, matériel adapté, salle de repos dédiée et personnels suffisants et formés…) est à prévoir. La formation de l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale dont les AESH sous statut de fonctionnaire, aux questions du handicap devrait être initiale, continue et obligatoire. Les enseignant·es spécialisé·es de RASED, demandent avant tout une formation CAPPEI plus qualitative (modules, MFIN, plus de temps de formation, plus de départ en formation). Cette formation pourrait prendre aussi la forme dans un premier temps de l’intégration du CAPPEI, repensée dans la formation initiale mais cela doit être débattu en FSU. Un temps de coordination entre les différents acteurs et actrices de l’inclusion doit être dégagé et apparaître en abondement dans les DHG et les ORS des PE. Ce temps ne peut pas être une charge supplémentaire pour les enseignant·es et AESH mais doit être intégré dans les services des personnels. La coordination avec les acteurs extérieurs (SESSAD, CMP, CMPP…) ainsi que leurs interventions dans les établissements doivent être réfléchies et renforcées, dans le respect des missions et des prérogatives de chacun·e. La FSU doit se rapprocher des chercheur·ses et des associations de personnes en situation de handicap afin de réfléchir aux évolutions que le métier doit réaliser pour permettre une inclusion réelle.

Dans les mandats des futurs congrès, la FSU devra garder l’équilibre entre la volonté légitime de davantage d’inclusion scolaire quand cela est possible mais aussi de préservation et l’amélioration des conditions d’exercices des enseignantes et enseignants qui n’ont pas à subir une politique libérale, de suppression de moyens budgétaires, camouflée en politique de désinstitutionnalisation par les derniers gouvernements comme annoncé lors de la dernière CNH.

Daniel Le Cam représentant de la FSU au FIPHFP et au CNCPH Joëlle Noller représentant de la FSU au CNCPH

Lire la suite du dossier dans le numéro d’enjeux 284